No-made / de la nature défaite

En binôme avec Franck Courchamp et Anna Turbelin, chercheurs au Laboratoire Écologie, Systématique, Évolution à Orsay

« Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements. »  

Charles Darwin, The origin of species, 1859

Biologiste de formation, dès le commencement du projet, j’ai pensé les déséquilibres comme des bouleversements, ceux-là mêmes qui affectent aujourd’hui les écosystèmes. En parcourant des articles publiés par l’équipe de Franck Courchamp, l’intuition que les invasions biologiques représentaient une réelle menace sur la biodiversité s’est confirmée : 

« Les invasions biologiques (représentent) la  seconde menace pesant sur la biodiversité, devant le changement climatique (…).Tout le monde connaît les risques du changement climatique, de la déforestation ou de la pollution, mais beaucoup moins les invasions biologiques. Alors pourquoi en parle-t-on si peu ? (…) une des explications réside dans le fait qu’il s’agit d’un processus plus complexe à appréhender et beaucoup moins intuitif que ceux imputables à la déforestation ou à la pollution. »1

Les  invasions biologiques  qui « désignent des introductions d’espèces, volontairement ou non, dans une autre région que celle dont elles sont natives, et dont la prolifération cause de multiples dommages à la biodiversité. »1  sont donc le point de départ de l’installation No-made.

Saisir les enjeux scientifiques n’a été que le point de départ de la réflexion. Comment faire dialoguer en termes plastiques les espèces invasives et les espèces natives, comment sensibiliser le public à la prolifération incontrôlée des ragondins, des frelons ou des écrevisses, à ces désastres écologiques, sans adopter une démarche  purement illustrative ?

La première partie de l’installation No-made se réfère aux recherches du laboratoire sur les fourmis : 

« Les scientifiques ont identifié 19 espèces de fourmis dites « envahissantes », plus puissantes que les autres, qui, lorsqu’elles sont introduites hors de leur aire de répartition naturelle, envahissent le milieu, en causant des dégâts écologiques terribles … »3

Dans la seconde partie de l’installation – sous la forme de deux mobiles – des cylindres de plastique transparent – réminiscences des éprouvettes ou  des histogrammes des chercheurs – accueillent des motifs organiques répétés, à la fois objets d’étude et écosystèmes régulés, qui luttent contre l’invasion d’éléments biologiques chaotiques. En jouant sur les dimensions, les transparences et l’opacité du papier, sur les oppositions de formes, sur les phénomènes de mise en mouvement et d’arrêts aléatoires des structures mobiles, ces dernières cherchent à susciter la nostalgie d’une nature bouleversée, et nous questionnent sur la place de l’homme au sein de la biodiversité, à l’instar des vers de Francis Ponge :

« Nous avons tout cela avec le coquillage : nous sommes avec lui.  En pleine chair, nous ne quittons pas la nature (…) »4

Papiers kraft d’emballage découpés, carton, fils de fer, végétaux, vue d’ensemble et détails, environ 150 x 300 cm.


No-made, de la nature défaite, mobile. Osier, papiers découpés, papiers journaux, fils de fer, cellophane. Détails. Environ 200 x 150 cm

1- E Manfrini, F Courchamp, https://theconversation.com/

2- Du préfixe dis- qui marque la séparation, la négation, et -koleos, du grec étui, à l’origine du mot coléoptère.

3- Extrait de « La guerre des fourmis », BD de Franck Courchamp et Mathieu Ughetti, https://laguerredesfourmis.com/

4- Le parti pris des choses, de Francis Ponge, Gallimard 2005

Installation pour la  9 ème édition de la Science de l’Art sur le thème des déséquilibres – Collectif Culture Essone 91

Exposition individuelle à la Maison des Arts et de la Culture (MAC) Epinay Sous Sénart, octobre 2021

http://sciencedelart.fr

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